Autheur : Fanny BEAULIEU CORMIER (Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat) - Source de l'article
Les entreprises communiquent très peu sur leurs actions durables. Comment s'y prendre sans être accusé de greenwashing ? Il suffit d'adapter son message à ses clients.
La transition écologique est au cœur des préoccupations et des discussions du secteur depuis le début de la pandémie. Plusieurs entreprises souhaitent s'engager dans cette voie, tandis que d'autres sont déjà impliquées, mais ne partagent pas leurs actions sur leurs différentes plateformes. Il est pourtant pertinent de les mettre en avant afin d'informer les clients actuels et potentiels.
Après le greenwashing, le greenhushing
Lors de la dernière conférence annuelle du Global Sustainable Tourism Council (GSTC), qui s'est tenue aux Açores en décembre 2019, le professeur et chercheur Xavier Font, de l'Université de Surrey, en Angleterre, a souligné que 70% des mesures durables prises par les entreprises touristiques ne sont pas divulguées. Ce nouveau phénomène est appelé greenhushing. Différentes raisons peuvent l'expliquer. D'une part, les entreprises ne pensent pas que leurs pratiques durables constituent un facteur de décision pour leurs clients. D'autre part, elles ont peur que leurs actions soient perçues comme du greenwashing. Dans ce dernier cas, il s'agit alors de silence moral plutôt que d'hypocrisie morale, comme son antonyme (greenwashing).
Selon les chercheurs Font, Elgammal et Lamond, le greenwashing désigne la promotion à large spectre d'une action durable insignifiante afin de véhiculer une bonne image de marque et, ainsi, de tromper le client. L'utilisation de ce terme est subjective et laissée à la discrétion de l'interlocuteur. Il n'est donc pas surprenant que de nombreuses entreprises ne souhaitent pas divulguer publiquement leurs initiatives.
Cependant, selon Xavier Font, les entreprises ont la responsabilité d'éduquer les visiteurs, afin qu'ils prennent conscience de leur impact environnemental. Pour ce faire, elles doivent communiquer leurs bonnes pratiques. Il ne s'agit pas seulement de mentionner que l'on mène des actions durables, mais de les partager comme des exemples.
Comment procéder sans risquer d'être montré du doigt ? Comment éviter les dissonances qui peuvent exister entre la perception du développement durable par l'entreprise et celle de ses clients ?
Connaître ses clients pour mieux les séduire...
La réponse est simple : le message va changer en fonction du public cible. Vous devez donc connaître vos différents segments de clientèle et adapter vos propos à chacun d'eux. Par exemple, l'offre de tourisme durable sera le message clé d'une campagne marketing destinée aux personnes les plus engagées dans la cause environnementale. Dans le cas où les pratiques responsables ne constituent pas un critère déterminant dans le choix d'un hébergement ou d'une attraction touristique, mieux vaut miser sur la localisation, le prix ou la qualité du produit ou du service pour attirer le client. Ce n'est qu'une fois sur place, qu'il pourra être sensibilisé en s'informant sur les différentes pratiques durables mises en place par l'organisation.
... et parler la même langue pour mieux communiquer
Le terme "durabilité" peut sembler abstrait pour de nombreux visiteurs. Afin d'être bien compris par votre public, il est préférable d'utiliser des concepts tangibles. Par exemple, il est préférable de rapporter des faits concernant le respect des animaux, la beauté de la nature sauvage environnante, le contact privilégié avec les communautés et les traditions locales, etc.
Le storytelling : Le tourisme durable fait partie intégrante de l'histoire
GLP Films, une agence de marketing de contenu, se consacre exclusivement aux campagnes de distribution stratégique soutenant le tourisme durable. Elle a d'ailleurs remporté divers prix et reconnaissances à cet effet. Rob Holmes, fondateur et responsable stratégique, réalise de courtes vidéos en utilisant le storytelling pour présenter les bonnes pratiques d'une destination ou d'un produit touristique. Il n'y a pas de référence explicite au développement durable. Il préfère montrer des danses traditionnelles, des chefs locaux dans leur restaurant, etc. Les visuels sont un bon moyen de faire passer un message, d'autant plus que le storytelling permet de toucher les gens par les émotions transmises.
Messages une fois sur place : le marketing incitatif
Selon L'Écho tourisme, le marketing incitatif consiste à "placer les individus dans un contexte de choix qui les incite à adopter un comportement spécifique souhaité". C'est un bon moyen de communiquer vos actions à vos clients tout en les incitant à participer. En démontrant concrètement son implication dans des pratiques durables, l'entreprise gagne en crédibilité et minimise l'apparence de greenwashing, tout en augmentant la confiance de ses clients.
Par exemple, le Parc national de la Vanoise, en France, a émis 17 recommandations sur un ton humoristique afin de promouvoir, entre autres, les économies d'énergie dans les chambres. L'un des messages se lit comme suit :
"Pour mieux dormir, baissez la température d'un degré C, vous ne fondrez pas sous la couette, vous serez bien reposé et fier d'aider la planète. 1 degré C de moins la nuit dans la chambre à coucher = 7 % d'effort énergétique en moins pour la planète. Cette astuce donne également d'excellents résultats une fois rentré chez soi."
Comme ces messages encouragent une action immédiate, ils sont souvent mis en pratique une fois le touriste arrivé à destination.
Médias sociaux : oui, mais comment ?
Une autre façon d'impliquer les clients actuels et potentiels, avant et après le voyage, est de dialoguer avec eux par le biais des médias sociaux. L'une des choses à retenir est de rester fidèle à votre image de marque.
Certaines entreprises publient toutes leurs nouvelles initiatives en matière de développement durable, tandis que d'autres, comme le Piknic Électronik et Igloofest, préfèrent choisir les informations qu'elles transmettent à leurs festivaliers.
Dans tous les cas, il est recommandé de créer un calendrier de publication. Par exemple, chaque jeudi, le hashtag #jeudidurable (#sustainablethursday) peut être utilisé pour communiquer vos actions. Cela permet de générer un engagement plus fidèle et constant. Il est préférable de poster une fois par semaine de manière régulière, plutôt qu'une fois par jour pendant deux semaines, puis de disparaître pendant les deux mois suivants. Ce conseil s'applique à diverses plateformes. Mieux vaut se consacrer à une ou deux d'entre elles que d'être partout et nulle part à la fois.
Les médias sociaux permettent également de sonder les opinions et les préoccupations de son public cible. Leur poser des questions sur ce qu'ils aimeraient obtenir en termes de contenu ou avoir une meilleure idée de leurs connaissances sur le sujet peut aider l'entreprise à mieux comprendre leurs attentes et, par conséquent, à mieux s'équiper pour y répondre.
Quelle que soit la stratégie adoptée pour les différents médias sociaux, l'important en matière de communication de vos actions durables est de rester honnête et d'admettre que l'entreprise n'est pas parfaite, mais qu'elle fait les efforts nécessaires pour réussir. améliorer et réduire son empreinte environnementale, tout en s'impliquant dans sa communauté.
A retenir
L'entreprise doit communiquer ses actions durables en adoptant un langage adapté à ses différents segments de clientèle afin de favoriser leur apprentissage et de démontrer ses compétences. Faire connaître les bonnes pratiques permet également d'inspirer les autres acteurs du tourisme. Face à la crise climatique, l'ère est davantage à la coopération qu'à la compétition.
Quelles sont les pratiques durables que vous avez adoptées ? Comment pourriez-vous les communiquer à vos clients ?
Sources:
Erskine, Eliza. « Social media as a sustainability tool », Business 2 Community, https://www.business2community.com/social-media/social-media-as-a-sustainability-tool-02282551, consulté le 11 février 2020.
Cromer, Guillaume. « Nudge marketing & tourisme durable : comment faire? », Tendances tourisme, https://tendances-tourisme.fr/nudge-marketing-green-tourisme-durable/, consulté le 10 février 2020.
Font, X., I. Elgammal et I. Lamond. « Greenhushing: the deliberate under communicating of sustainability practices by tourism businesses », Journal of Sustainable Tourism, no 25, vol. 1, 2016, p. 1007-1023.
Font. X, J.-F. Rika, R. Holmes, L. de Kort et G. Hardeman. « Marketing sustainability and influencing travelers’ preferences », GSTC annual conference in the Azores 2019, https://www.youtube.com/watch?v=RGbRnzOv1AY&list=PLm4B_omiA_xA7dj9dAMVdDxnDicFBfsi-&index=4., consulté le 20 janvier 2020.
Vignon, Émile. « Le nudge, botte secrète du tourisme? », L’Écho touristique, avril 2018.